Le phosphate, composé chimique issu du phosphore, est une composante essentielle à la croissance végétale. C’est pour cela qu’il est utilisé comme engrais. En effet ce fertilisant chimique contribue à une croissance accélérée des plantes et permet un rendement accru. Cependant afin de subvenir aux besoins alimentaires d’une population terrestre toujours plus nombreuse, ces engrais sont épandus en très grandes quantités, engendrant des problèmes environnementaux sévères.
Nous allons voir quels sont ces problèmes et comment nous pourrions y remédier.
Conséquences environnementales de cette utilisation massive
Au détour d’un article de presse ou bien d’un journal télévisé nous avons tous et toutes entendu parler du phénomène des « algues bleues » qui sévit notamment sur nos côtes Bretonnes. La prolifération de ces colonies indésirables cause des problèmes sanitaires mais aussi de ressources halieutiques. C’est une conséquence de l’utilisation massive d’engrais phosphatés.

D’après Mohamed Hijri, chercheur en sciences biologiques, sur 100 % de phosphore répandu sur les cultures (sous forme de composé phosphaté), seulement 15 % est assimilé par les plantes via leur système racinaire. Les 85 % restant vont se « perdre » dans les sols. Puis ceux ci sont entraînés par les eaux de ruissellement et finissent à l’embouchure de fleuves ou d’océan/mer. La forte concentration de ce composé chimique dans les milieux aquatiques fluviaux ou maritimes engendre l’apparition de zones mortes (insuffisance d’élément Oxygène dans le milieu) où seules ces fameuses algues sont capables de se développer.
Afin de lutter contre ces effets il serait envisageable d’améliorer la qualité d’absorption du phosphore par les plantes. Ce qui aurait pour effet d’améliorer leur rendement, d’éviter la prolifération d’algues ainsi que de préserver davantage les ressources en phosphore, essentielles pour subvenir à nos besoins croissants. Tout cela semble possible grâce à une technique de « bio-remédiation ».
Une solution naturelle vieille de 450 millions d’années : la symbiose
Naturellement il est possible que deux êtres vivants hétéro-spécifiques s’associent afin de s’influencer l’un l’autre et donc de faciliter leur rapport au milieu de vie. Cette association à bénéfice mutuel est appelé symbiose.
La mycorhization semblerait être une solution de remédiation à la sur-utilisation de phosphore par l’agriculture. Il s’agit d’une symbiose entre un champignon et une plante pouvant être une endosymbiose (le champignon se développe au sein des cellules végétales racinaires ) ou une exosymbiose ( le champignon se développe entre les cellules et non à l’intérieur). Dans cette association, le champignon favorise l’assimilation des substances contenues dans les sols et la plante nourrit celui-ci.
Le champignon permet une meilleure absorption de l’eau et des minéraux contenus dans le sol : il étend son réseau mycélien (hyphes) au niveaux des racines de la plante augmentant ainsi la surface de contact avec le sol. Les mycorhizes peuvent donc être la solution à notre problème.

Le phosphore est difficilement assimilé par les plantes. Mais en présences des mycorhizes, il est capté plus facilement et en plus grande quantité. Une partie des ressources en phosphore anciennement inaccessibles pour la plantes peuvent être captées par le champignon via son réseau d’hyphes (filaments).
De plus ce réseau peut servir de lieu de stockage de l’élément phosphate (forme sous laquelle le phosphore est présent dans les sols). Le champignon peut dégrader ce phosphate en phosphore et le mettre à disposition de la plante.
Pour illustrer l’efficacité de cette association naturelle nous pouvons ré-évoquer Mohamed Hijri : pour une dose de phosphore correspondant à 25 % de notre quantité évoquée plus haut, 90 % est assimilée par la plante grâce à l’association symbiotique.
Si cette symbiose est le « remède miracle » aux problèmes du phosphore il nous faut maintenant savoir si cette « bio-remédiation » est réellement applicable à l’agriculture moderne, certains diront intensive, qui nous nourrit.
Des laboratoires aux cultures à grande échelle
Favoriser la mycorhization sur des plants ou au sein d’une culture est possible via différentes techniques. On trouve actuellement dans le commerce des vecteurs de mycorhization sous différentes formes.
Ils existent sous forme de granulés à répendre lors du semi ou sous forme de poudre à appliquer sur les racines à la plantation. Ou encore des poudres à diluer dans les eaux d’arrosage et des terreaux stimulants.

Il faut cependant faire remarquer que l’on n’ajoute pas les mycorhizes à la plante ou à la culture. On met en présence les deux potentiels symbiotes ( la plante et son champignon adapté ) susceptibles de s’associer.
Il est donc possible de cultiver des plantes mycorhizées en se procurant des produits au rayon jardinage. Nous sommes maintenant amenés à nous demander s’il est possible de cultiver de telles plantes à une échelle plus importante. Ou à contrario si cette pratique n’est réalisable que par nos grands parents dans leurs potagers individuels ou collectifs…
Certaines caractéristiques des plantes post- mycorhization présentent de nombreux avantages jouant en la faveur d’un élargissement de la technique à l’agriculture moderne :
- L’utilisation de ce type de plantes permet la diminution d’ajout de fertilisant chimique
- Les plants ont un rendement plus élevé de par la meilleure absorption des éléments du substrat ( eau, minéraux…)
- Ils présentent une résistance accrue au stress hydrique permettant de réduire l’irrigation.
- Les plantes mycorhizées semblent être cultivables sous toutes les latitudes.
Cependant la mise en place des mycorhizes sur d’immenses exploitations pourrait représenter un lourd investissement. Tous les exploitants agricoles ne pourraient donc pas forcement assumer la conversion de leurs cultures à la mycorhization. Enfin en raison de cet investissement le prix des denrées issues de champs mycorhizés pourrait être plus élevé. Les exploitants pourraient donc être confrontés à la difficulté de vendre leur production bien quelle soit estampillée biologique et éco-responsable.
In fine si la « solution miracle » à la diminution de l’utilisation des engrais phosphatés et de ses conséquences semble être la mycorhization, il faut encore porter cette « bio-remédiation » à l’échelle de l’agriculture moderne.